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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/204

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moral décider une bonne fois sur ce point, et comparons l’impression que fait sur nous la nouvelle d’un crime, c’est-à-dire d’un meurtre, d’une cruauté, d’une fourberie, d’un vol commis par quelqu’un de notre connaissance, avec la nouvelle de sa mort volontaire. Tandis que la première provoque une vive indignation, la plus grande colère, un désir de châtiment ou de vengeance, la seconde excitera la tristesse et la sympathie, mêlées plus souvent d’admiration pour le courage développé dans cette action, que de la désapprobation morale qui accompagne une mauvaise action. Qui n’a pas eu de connaissances, d’amis, de parents, ayant volontairement quitté ce monde ? Et l’on devrait songer avec horreur à ces gens comme à des criminels ? Nego ac pernego ! Je suis plutôt d’avis que le clergé devrait être une fois pour toutes mis en demeure d’exposer de quel droit, sans pouvoir produire une seule autorité biblique ou un seul argument philosophique valable, il stigmatise du haut de la chaire et dans ses écrits, comme un crime, une action commise par beaucoup de gens que nous respectons et aimons, et refuse les honneurs de la sépulture à ceux qui quittent volontairement ce monde. Les prêtres devraient pourtant comprendre qu’il nous faut des raisons, et que nous ne pouvons accepter à leur place des phrases vides ou des mots injurieux[1]. Le fait que la justice criminelle condamne le suicide, n’est pas une raison valable au point de vue ecclésiastique ;

  1. Les raisons bibliques n’existent pas, les raisons philosophiques ne sont pas solides, et de plus n’ont pas cours dans l’Église. Alors, quelles sont-elles ? quelles sont-elles ? quelles sont-elles ? Loquimini ! La mort nous est un dernier refuge trop nécessaire, pour que nous nous le laissions enlever par de simples actes d’autorité des prêtres.