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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/206

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dans son exposé de l’éthique des péripatéticiens, (livre II, chap. vi), cite cette proposition : Φευκτὸν δὲ τὸν βίον γίγνεσθαι τοῖς μὲν ἀγαθοῖς ἐν ταῖς ἄγαν ἀτυχίαις. τοῖς δὲ κακοῖς καὶ ἐν ταῖς ἄγαν εὐτυχίαις. (Les bons doivent quitter la vie quand ils sont trop malheureux, et les méchants quand ils sont trop heureux.) Et de même plus loin : Διὸ καὶ γαμησέιν, καὶ παιδοποιήσεσθαι, καὶ πολιτεύεσθαι, etc., καὶ καθόλου τὴν ἀρετὴν ἀσκοῦντα καὶ μενεῖν ἐν τῷ βίῳ, καὶ πάλιν, εἰ δέοι, ποτὲ δι’ ἀνάγκας ἀπαλλαγήσεσθαι, ταφῆς προνοήσαντα, etc. (C’est pourquoi il faut se marier, procréer des enfants, prendre part aux affaires publiques, etc., consacrer sa vie à la vertu, et, quand la nécessité vous y force, la quitter, etc.)

Nous voyons aussi le suicide vanté par les stoïciens comme une action noble et héroïque ; cela peut se prouver par des centaines de citations, dont les plus fortes se trouvent dans Sénèque. Chez les Indous, d’autre part, le suicide, on le sait, apparaît souvent comme un acte religieux ainsi, les veuves qui se brûlent volontairement sur le bûcher, les croyants qui s’élancent sous les roues du char de Jaggernaut, se livrent aux crocodiles du Gange ou à ceux de l’étang sacré du temple, etc. De même sur le théâtre, ce miroir de la vie. Nous voyons, par exemple, dans la célèbre pièce chinoise L’orphelin de la Chine (traduction française de Stanislas Julien, 1834), presque tous les nobles caractères finir par le suicide, sans motif aucun, ou du moins sans que le spectateur ait eu l’idée qu’ils ont commis un crime. Et il en est de même, au fond, sur notre scène occidentale, comme le démontrent Palmyre dans Mahomet, Mortimer dans Marie Stuart, Othello et la comtesse Terzky[1].

  1. On sait que Mahomet est de Voltaire, et Marie Stuart de