chent par le lien le plus étroit à celles-ci. C’est, ici comme là, le pessimisme qui se tient avec son glaive flamboyant à l’entrée de la porte de la vie, et qui préside à tout le déroulement de la tragi-comédie humaine. Les vues du philosophe sur « la joie de vivre » peuvent se résumer dans cette phrase de son grand ouvrage : « Vouloir sans motif, toujours souffrir, toujours lutter, puis mourir, et ainsi de suite dans les siècles des siècles, jusqu’à ce que la croûte de notre planète s’écaille en tout petits morceaux » ; ou dans cette ligne, au choix : « Travailler et souffrir pour vivre ; vivre pour travailler et pour souffrir ». Bref, notre monde est en réalité le plus misérable et le plus mauvais des mondes imaginables, et l’optimisme la plus plate et la plus absurde niaiserie qui ait jamais été inventée par les professeurs de philosophie pour leurrer les hommes et gagner leur pain. C’est là, au demeurant, déjà le fond des plaintes de Job, de centaines de millions d’hommes après lui, plaintes qu’on retrouve sous la plume de Voltaire, dans ce passage que Schopenhauer prend plaisir à citer : « Le bonheur n’est qu’un rêve, et la douleur est réelle. Il y a quatre-vingts ans que je l’éprouve. Je n’y sais autre chose que m’y résigner et me dire que les mouches sont nées pour être dévorées par les araignées, et les hommes pour être dévorés par le chagrin. » En somme, la vie est une guerre de tous contre tous, une sorte d’histoire naturelle de la douleur. Cette dernière seule est positive ; le plaisir, au contraire, — ce que l’on nomme de ce nom, — est négatif. Telle est l’idée développée au long dans Le monde comme volonté et comme représentation, et que l’on retrouve ici, présentée avec d’autres détails et des arguments nouveaux. Il convient toutefois de remarquer que Schopenhauer n’a pas toujours poussé jusqu’à cette outrance sa philosophie attristée. Ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie, ouvrage empli de la moelle succulente de l’expérience pratique la plus aiguisée, et qui ont une valeur égale aux Maximes en prose de Gœthe, sont là pour en témoigner. Il y admet que l’existence humaine peut avoir quelques satisfactions, santé, aisance honnête, richesses intellectuelles, et que c’est l’acte d’un homme sage de chercher à se les approprier. C’est que, dans ces pages, il
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