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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/41

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année 1826, établit qu’après tant d’années d’activité des missionnaires, on ne trouve pas dans l’Inde entière, où les seules possessions anglaises comptent cent quinze millions d’habitants, plus de trois cents convertis vivants ; et l’on avoue en même temps que les convertis chrétiens se distinguent par leur excessive immoralité. Juste trois cents âmes lâches et vénales parmi tant de millions ! Je ne vois pas que, depuis, le christianisme fasse de meilleures affaires dans l’Inde ; les missionnaires cherchent cependant encore, contrairement aux conventions, dans les écoles exclusivement consacrées à l’instruction anglaise laïque, à agir en leur sens sur l’esprit des enfants, pour faire passer en contrebande le christianisme ; mais les Indous se tiennent jalousement en garde contre lui. L’enfance seule, comme je l’ai dit, et non l’âge mûr, est l’époque favorable à la semence de la foi, surtout quand une foi antérieure n’a pas pris racine ; mais la conviction acquise que feignent les adultes convertis n’est d’ordinaire que le masque d’un intérêt personnel. Précisément parce que l’on sent qu’il en est presque toujours ainsi, la plupart des gens méprisent partout un homme qui change de religion dans son âge mûr ; ils indiquent par là qu’ils ne tiennent pas la religion pour un fait de conviction raisonnée, mais uniquement pour une croyance inoculée de bonne heure et avant tout examen. Qu’en ceci ils aient raison, on peut le conclure du fait que non seulement la foule aveuglément croyante, mais aussi le clergé de chaque culte qui en a étudié les sources et les fondements, les dogmes et les controverses, reste fidèlement et jalousement attaché en corps à la religion de son propre pays ; aussi est-ce la chose la plus rare du