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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/57

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je n’ai jamais rien vu de semblable à lui ! » (Verset 1071). L’homme cultivé peut en tout cas s’expliquer la religion cum grano salis ; le savant, la tête qui pense, peut l’échanger, en secret, contre une philosophie. Mais une même philosophie n’est pas faite pour tous ; en vertu des lois de l’affinité, chaque système attire à lui le public à l’éducation et aux capacités duquel il est approprié. De là vient qu’il y a toujours une basse métaphysique scolaire pour la plèbe cultivée, et une plus haute pour l’élite. La doctrine si élevée de Kant, par exemple, n’a-t-elle pas elle-même été rabaissée jusqu’au niveau de l’école et gâtée par des gens de l’espèce des Fries, des Krug, des Salat et autres ! Bref, ici s’applique on ne peut mieux la maxime de Gœthe : « Une même chose ne convient pas à tous ». Pure foi en la révélation et pure métaphysique sont pour les deux extrêmes ; et, pour les degrés intermédiaires, ces extrêmes se modifient en combinaisons et gradations innombrables. Ceci est rendu nécessaire par l’incommensurable différence que la nature et l’éducation mettent entre les hommes.

Philalèthe. — Ce point de vue me rappelle sérieusement les mystères des anciens, que tu as mentionnés. Il semble que leur but ait été de remédier au mal résultant de la différence des facultés intellectuelles et de l’éducation. Le plan consistait à trier dans la grande masse, à laquelle la vérité sans voiles est absolument inaccessible, quelques individus auxquels on pouvait révéler celle-ci jusqu’à un certain degré ; puis, parmi ceux-ci, quelques autres auxquels on découvrait plus de choses encore, comme étant capables d’en saisir davantage ; et ainsi, en montant jusqu’aux Époptes. Il