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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/56

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pourra être vraie que sensu allegorico et non sensu proprio. En outre, elle doit s’appuyer sur une autorité qui en impose par son grand âge, par l’acceptation universelle dont elle est l’objet, par ses documents, y compris leur ton et leur exposé ; et ces qualités sont si difficiles à réunir, que plus d’un homme, en y pensant bien, loin d’aider à saper une religion, réfléchirait qu’elle est le trésor le plus sacré du peuple. Pour porter un jugement sur la religion, il ne faut jamais perdre de vue le caractère de la grande masse à laquelle elle s’adresse, c’est-à-dire sa complète infériorité morale et intellectuelle. C’est incroyable jusqu’à quel point elle va, et avec quelle persistance une étincelle de vérité continue à luire même à travers le voile le plus grossier de fables monstrueuses et de cérémonies grotesques ; elle y adhère aussi fortement que l’odeur du muṣc à tout ce qui s’est trouvé une fois en contact avec lui. À l’appui de ce fait, considère, d’une part, la profonde sagesse indoue renfermée dans les Upanishads, et vois ensuite la folle idolâtrie de l’Inde actuelle, avec ses pèlerinages, ses processions et ses fêtes, ou bien les actes insensés et grotesques des Saniassis de notre époque. Cependant on ne peut nier que sous toutes ces folies et ces grimaces, il n’y ait de plus quelque chose de caché, en accord avec la profonde sagesse que j’ai mentionnée, ou qui en est un reflet. Il a fallu arranger la chose ainsi, en vue de la masse brutale. Dans ce contraste, nous avons devant nous les deux pôles de l’humanité : la sagesse de l’individu et la bestialité de la foule, qui toutes deux, néanmoins, trouvent leur harmonie dans la sphère morale. Qui ne songe ici à ce mot du Kural : « Le vulgaire ressemble à l’homme ; mais