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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/62

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nulle erreur n’est indifférente ; chacune, tôt ou tard, sera nuisible à celui qui la cultive. Aussi ne faut-il tromper personne et vaut-il mieux avouer qu’on ignore ce qu’on ignore, en laissant chacun établir lui-même ses articles de foi. Peut-être ceux-ci ne seront-ils pas si mauvais, car ils se heurteront et se rectifieront réciproquement. En tout cas, la multiplicité des vues fondera la tolérance. Quant à ceux qui possèdent des connaissances et des aptitudes, ils peuvent étudier les philosophes, ou même aider au progrès de l’histoire de la philosophie.

Démophèle. — Ce serait du beau ! Tout un peuple de métaphysiciens se querellant et en venant eventualiter aux coups !

Philalèthe. — Bah ! quelques coups çà et là sont l’assaisonnement de la vie, ou du moins un très petit mal, si on les compare à la domination cléricale, à la spoliation des laïques, aux persécutions des hérétiques, aux tribunaux d’inquisition, aux croisades, aux guerres de religion, à une Saint-Barthélemy, etc., etc. Ce sont pourtant là les résultats de la métaphysique populaire octroyée du dehors. Aussi je m’en tiens à mon affirmation : pas plus qu’un buisson d’épines ne peut produire de raisins, le mensonge et la tromperie ne peuvent apporter le salut.

Démophèle. — Combien de fois dois-je te répéter que la religion n’est nullement mensonge et tromperie, mais la vérité même, simplement revêtue d’un voile mytho-allégorique ? Quant à ton idée que chacun doit se faire à lui-même sa religion, j’ai encore à te dire qu’un particularisme de ce genre est absolument opposé à la nature de l’homme, et détruirait tout l’ordre social. L’homme est un animal metaphysicum, c’est-à-dire