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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/80

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glante dont les anciens n’avaient aucune idée ; puis aux croisades, un massacre injustifiable prolongé pendant deux cents ans, au cri de guerre : Dieu le veut ! pour conquérir le tombeau de celui qui a prêché l’amour et la tolérance. Songe à la cruelle expulsion et à l’extermination des Maures et des Juifs d’Espagne ; songe à la Saint-Barthélemy, à l’Inquisition, aux tribunaux d’hérétiques, aux sanglantes conquêtes des mahométans dans trois parties du monde ; puis à celles des chrétiens dans l’Amérique, dont ils exterminèrent la plus grande partie des habitants. À Cuba même ils les exterminèrent tous, et, d’après Las Casas, ils tuèrent en quarante ans douze millions d’êtres humains, in majorem Dei gloriam, cela va de soi, pour répandre l’Évangile, et parce que ceux qui n’étaient pas chrétiens n’étaient pas regardés comme des hommes. J’ai déjà touché à ces matières ; mais quand, de nos jours, on publie encore les Dernières nouvelles du royaume de Dieu[1], il ne faut pas se lasser de rappeler les anciennes nouvelles. Surtout n’oublions pas l’Inde, ce sol sacré, ce berceau de l’humanité, du moins de la race à laquelle nous appartenons, où les mahométans d’abord, puis les chrétiens ensuite se sont le plus furieusement déchaînés contre les adhérents à la foi originelle de l’humanité. La destruction ou la mutilation cruelle à jamais déplorable des temples primitifs et des idoles atteste aujourd’hui encore la frénésie monothéiste des musulmans, telle qu’elle s’affirma depuis Mahmoud le Ghasnévide, de mémoire maudite, jusqu’à Aurengzeb, le fratricide ; et les chrétiens portugais

  1. Neueste Nachrichten aus dem Reiche Gottes. C’est une revue périodique qui rend compte des travaux des missions. Elle en est, en 1856, à sa quarantième année d’existence.