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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/79

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glorieusement la semaine, le jour consacré à la dévotion et à la joie. Par suite de cette fraude, le sabbath breaking ou la desacration of the Sabbath, c’est-à-dire la plus légère occupation utile ou agréable, tout jeu, toute musique, un tricotage de bas, la lecture d’un livre mondain, compte en Angleterre, le dimanche, parmi les gros péchés. L’homme ordinaire ne doit-il pas croire alors qu’à la condition seule de pratiquer toujours a strict observance of the holy Sabbath and a regular attendance on divine service, comme ses guides spirituels le lui prescrivent, ce qui revient à paresser consciencieusement le dimanche et à ne pas manquer de passer deux heures l’église, en entendant pour la millième fois et en dégoisant a tempo la même litanie, il est en droit de compter sur l’indulgence pour les petites fautes qu’il a pu commettre ? Ces démons à face humaine, les propriétaires et marchands d’esclaves des États libres de l’Amérique du Nord (c’est États esclavagistes qu’on devrait les nommer), sont, en règle générale, d’orthodoxes et pieux anglicans qui regarderaient comme un gros péché de travailler le dimanche ; ils espèrent que cette abstention, ainsi que la fréquentation régulière du temple et autres choses analogues, leur assurera la félicité éternelle.

L’influence démoralisatrice des religions est donc moins problématique que son influence moralisatrice. Combien, au contraire, celle-ci devrait être grande et certaine, pour offrir un dédommagement des horreurs provoquées par les religions, notamment par le christianisme et le mahométisme, et des maux qu’elles ont causés à l’humanité ! Songe au fanatisme, aux persécutions sans fin, surtout aux guerres religieuses, cette folie san-