Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/84

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tielle qu’au monothéisme. Un Dieu unique est, d’après sa nature, un Dieu jaloux, qui n’en laisse vivre aucun autre. Au contraire, les dieux polythéistes, d’après leur nature, sont tolérants. Ils vivent, et laissent vivre ; avant tout ils tolèrent volontiers leurs collègues, les dieux de la même religion, et ensuite cette tolérance s’étend aussi aux dieux étrangers, d’abord hospitalièrement accueillis, puis même investis parfois du droit de citoyen ; c’est ce que nous voyons par l’exemple des Romains, qui admettaient volontiers et honoraient les dieux phrygiens, égyptiens, et autres. Voilà pourquoi les religions monothéistes seules nous donnent le spectacle des guerres, des persécutions, des tribunaux d’hérétiques, comme aussi celui du bris des images des autres dieux, de la destruction des temples indous et des colosses égyptiens qui, pendant trois mille ans, ont regardé fixement le soleil ; c’est que leur Dieu jaloux avait dit : « Tu ne graveras pas d’image », etc.

Mais revenons au point principal. Tu as certainement raison d’insister sur le fort besoin métaphysique de l’homme ; cependant les religions me semblent moins la satisfaction que l’abus de ce besoin. Nous avons du

    les diverses religions que l’on professe autour d’eux. Cette indifférence s’explique aisément, puisque, d’après leurs propres principes, toute opposition violente, même à l’erreur, serait contraire aux préceptes. Pour cette raison, les annales du bouddhisme rapportent moins d’exemples de persécution que celles d’aucune autre religion. Il faut respecter la vérité, n’importe qui la professe. Le bana seul contient la vérité pure, sans mélange, parfaite ; mais comme, dans tous les systèmes, il y a une portion de vérité, il faut plutôt les regarder comme moins bienfaisants que comme une erreur absolue qui mérite d’être détruite par le feu. Cette manière de voir apparaît partout où le bouddhisme existe. » (P. 412).