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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/90

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SUR LE CHRISTIANISME


Pour le juger équitablement, il faut considérer ce qui était avant lui et ce qu’il a remplacé ; avant tout, le paganisme gréco-romain. Envisagé comme métaphysique populaire, celui-ci était une manifestation des plus insignifiantes, sans dogme proprement dit ni déterminé, sans éthique nettement définie, sans véritable tendance morale ni garants sacrés. Il mérite donc à peine le nom de religion. C’est bien plutôt un jeu de la fantaisie et un mauvais remaniement de contes populaires, et, dans ce qu’il a de mieux, une personnification évidente des forces de la nature. On peut à peine s’imaginer que des hommes aient jamais pris au sérieux cette religion enfantine. Cependant il en est ainsi, comme le témoignent maintes pages des anciens, principalement le livre Ier de Valère Maxime, et aussi de nombreux passages d’Hérodote, parmi lesquels je me bornerai à signaler le chapitre lxv du dernier livre, où il exprime son opinion personnelle et parle comme une vieille femme. Plus tard et avec le progrès de la philosophie, cette prise au sérieux ne persista pas ; ce qui permit au christianisme de renverser cette religion d’État, en dépit de ses soutiens extérieurs. Cependant, même à la plus belle époque de la Grèce, cette