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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/97

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dernière « retraite[1] » qui, en aucun cas, ne peut être un grand mal, devrait donc lui rester assurée en droit comme sa part d’héritage. Quant à moi, je ne puis m’empêcher de sympathiser avec lui.

Si l’on ajoute aux autres doctrines d’Augustin que tout cela ne dépend pas proprement des actions et des omissions de l’homme, mais doit arriver en vertu de la prédestination, alors on ne sait plus que penser. Sans doute, nos savants rationalistes disent : « Tout cela n’est pas vrai et n’est qu’un vain épouvantail. Nous parvenons de degré en degré, par un progrès constant, à une perfection toujours plus grande. » Quel dommage que nous n’ayons pas commencé plus tôt ! Nous aurions atteint déjà le but.

De pareilles assertions augmentent encore notre trouble, quand nous entendons ce que dit à ce sujet un audacieux hérétique qui périt même sur le bûcher, Jules-César Vanini. « Si Dieu ne voulait pas d’actions mauvaises et impies dans l’univers, il lui suffirait sans aucun doute d’un seul mouvement de tête pour anéantir et supprimer tout le mal jusqu’aux confins du monde, Qui de nous en effet peut résister à la volonté divine ? Comment donc les crimes s’accomplissent-ils malgré Dieu, si lui-même donne aux criminels la force pour les commettre ? Et de plus, si l’homme pèche contre la volonté de Dieu, Dieu sera donc inférieur à l’homme qui la combat, et l’emporte ? De là on conclut que le monde est tel que Dieu le désire, et qu’il serait meilleur s’il le voulait meilleur. » Vanini avait déjà dit un peu plus haut « Si Dieu veut des fautes, c’est lui qui les crée ;

  1. En français dans le texte.