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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/96

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épuration. Dans le même dessein fut établie aussi la doctrine de la restauration de toutes choses (ἀποκατάστασις πάντων), en vertu de laquelle, au dernier acte de la comédie humaine, les pécheurs eux-mêmes, sans exception aucune, seront rétablis in integrum. Les protestants seuls, avec leur foi obstinée dans la Bible, persistent à croire aux châtiments éternels de l’enfer. Grand bien leur fasse, pourrait dire un esprit malicieux. Ce qu’il y a de consolant, c’est qu’eux non plus n’y croient pas, et se désintéressent provisoirement de la chose en pensant dans leur cœur : « Bah ! cela n’ira pas jusqu’à ce point ! »

Le caractère rigide et systématique de l’esprit d’Augustin l’amena, dans son austère dogmatisme et sa recherche d’une solution arrêtée des doctrines simplement indiquées dans la Bible et ne reposant que sur une base vague et chancelante, à donner à ces doctrines des contours si durs et au christianisme une facture si lourde, que tout cela nous répugne aujourd’hui ; et de même que, de son temps, le pélagianisme le combattit, le rationalisme le fait du nôtre. Dans la Cité de Dieu (livre XII, chap. xxi), par exemple, la chose, prise in abstracto, revient à ceci : un Dieu crée un être de rien, lui fait des défenses et lui enjoint des ordres, et, parce que ceux-ci ne sont pas suivis, il lui inflige pour l’éternité entière toutes les tortures imaginables ; dans ce dessein il lie inséparablement le corps et l’âme (Cité de Dieu, livre XIII, chap. ii ; chap. xi et xxiv, à la fin), de façon que le tourment ne puisse jamais anéantir cet être en le dissolvant, et lui accorder enfin le repos. Non, il doit vivre pour la peine éternelle, ce pauvre diable créé de rien, qui a tout au moins droit à son néant originel. Cette