tout à fait impossible. Je ne ressentais aucun plaisir.
Je ne pouvais que constater cette vérité qui me navrait.
Je me contentai de chauffer l’instrument entre
mes mains. J’avais décidé d’ouvrir enfin la voie
des fortes joies que d’autres éprouvaient et dont je
n’avais eu que l’avant-goût. Marguerite m’avait dit
que même entre les bras d’un homme cela était douloureux,
et que bien des femmes prenaient goût à ces
choses seulement après plusieurs années d’abandon
le plus complet à l’homme aimé. J’essayai donc. Je
chauffai l’instrument entre mes mains et je m’apprêtai
non sans une certaine appréhension. Je voulais
recevoir l’hôte exigeant. Je remarquai que ces quatre
nuits passées avec Marguerite avaient contribué à
faire de grands changements en moi. J’étais maintenant
non plus une petite niaise, mais presque une
femme comme toutes celles que je voyais agir, souffrir
ou jouir autour de moi. Aussi je ne m’épargnai
pas. Je fis comme avait fait Marguerite tandis que je la
regardais avec attention lors de l’étrange nuit où
nous étions séparées par un paravent, et où elle
lisait le livre à images. J’étais si excitée que je supportai
toute la douleur avec une constance qui m’étonnait.
Enfin, je parvins au but que j’avais si longtemps
désiré et que je croyais devoir être le paradis.
Je me fis du mal et ma déception fut en somme très
vive, car je n’éprouvais pas la moindre volupté. Il
me fut aussi très douloureux de me croire faite autrement
que toutes les femmes. J’étais inconsolable de
cette expérience. Je ne comprenais rien de ce qui
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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE