être avait changé et mes parents le remarquèrent à
mon retour. Étonnés, ils m’en demandèrent la cause.
Nos relations, entre Marguerite et moi, étaient aussi
des plus étranges. Le jour nous pouvions à peine
nous regarder ; la nuit, notre intimité était des plus
folâtres, notre conversation des plus intimes, nos
plaisirs des plus agréables. Je lui jurai de ne jamais
me laisser séduire et de ne jamais tolérer qu’un
homme me fît connaître son étreinte dangereuse. Je
voulais jouir de tout ce qui était sans danger. Quelques
jours avaient suffi pour faire de moi ce que je
suis encore et ce que vous avez si souvent admiré.
J’avais remarqué que tout le monde se déguisait autour
de moi, même les meilleures et les plus respectables.
Marguerite, qui m’avait tout avoué, ne m’avait
jamais parlé de cet instrument qui lui causait autant
de joie que n’importe quelle autre chose et auquel
elle n’aurait pas renoncé pour un empire. Je le désirais
aussi de toute mon âme. Elle ne me l’avait
jamais montré. L’idée me vint de dérober la clef de
l’armoire où il était enfermé. Ma curiosité ne me
laissait pas de repos. Je ne voulais pas avoir recours
aux autres, je voulais tout apprendre par moi-même.
Durant cinq jours je n’arrivai pas à me procurer
cette clef ; enfin, je la possédai ! Je profitai de ce que
Marguerite donnait une leçon à ma cousine pour contenter
ma curiosité. Et voici que j’avais la chose en
main, je la retournais, j’éprouvais son élasticité.
L’instrument était dur et froid. J’essayai de me
rendre compte de sa réelle utilité. En vain. Cela était
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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS