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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/74

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


tout à coup sur la baronne terrifiée. Il la couvrit de baisers. La baronne ne pouvait articuler une parole, elle était trop troublée, elle désignait du doigt la porte du salon dans lequel Marguerite fermait bruyamment les bagages. Le comte fit semblant de pousser le verrou. Puis il supplia la baronne de bien vouloir lui accorder une dernière fois sa suprême faveur. Elle avait été si séduisante la nuit qu’il craignait de tomber malade si elle n’écoutait son désir. Il lui assura qu’il s’était déjà revêtu de l’engin de sûreté et qu’elle n’avait rien à craindre. La baronne, sans doute pour se débarrasser au plus vite de l’importun, céda à ce désir et reçut le téméraire. Le comte soupirait ; tout à coup il poussa un profond soupir et Marguerite, qui écoutait derrière la porte, entra subitement. Feignant d’être saisie par le spectacle qui s’offrait à sa vue, elle laissa tomber ce qu’elle tenait en main. Elle fixait des yeux démesurés sur le lit. La baronne, les yeux fermés, attendait visiblement l’instant suprême ; cependant elle était terrifiée, car elle risquait tout, honneur et fortune. Le comte poussa un juron russe, incompréhensible, et se jeta sur Marguerite. Il s’écriait plein de rage : « Nous sommes perdus, si je n’assassine pas cette traîtresse et si je ne la rends pas muette pour toujours. Elle ne doit pas quitter cette chambre. »

Marguerite voulait fuir, mais le comte lui barra la porte. Il la regardait avec des yeux terribles, comme s’il allait l’étrangler. La baronne assistait plus morte que vive à cette scène. Soudain, comme s’il venait d’y