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ployer est impropre : au début, peut-être, ils les « subissaient » ; bientôt, ils les désiraient ardemment.

… On les prévient loyalement : « La première piqûre de morphine vous causera, probablement, des vomissements. Mais, vous vous y habituerez vite, et, alors, vous verrez… » Au reste, l’on égaye la piqûre : la salle où elle se pratique n’a rien de commun avec une salle de prison ou d’hôpital, elle approche bien plutôt d’une salle de récréation, d’une salle de billard ; ses habitants parlent cordialement. Et le condamné ne s’aperçoit pas qu’on le pique. Puis, on le conduit, selon la saison, dans le jardin ou dans les corridors vitrés transformés en serres, on l’étend sur une chaise-longue, et on l’abandonne à lui-même.

L’homme s’étonne : il sent son corps et son esprit s’engourdir béatement. Les ennuis s’effacent, s’estompent doucement. Peut-être, est-ce le jugement qui se brouille, le sens commun, la conscience qui se noie, abandonnant les choses au principe dominant dans le libre arbitre. Il comprend qu’il ne va pas mourir malgré qu’il en ait la sensation. Les sons s’étouffent comme arrêtés par une tapisserie de plus en plus épaisse, les couleurs s’atténuent, se confondent bientôt tou-