Page:Schweitzer - J. S. Bach, le musicien-poète.djvu/14

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il connaissait très bien les vieux textes Luthériens, je lui faisais part de mon inquiétude en face de quelques œuvres, de mon incompréhension de certains chorals passant brusquement d’un ordre d’idées à un autre, du chromatisme au diatonisme, du grave à l’aigu, sans raison apparente ni déduction logique :

« Quelle peut être ici la pensée de l’auteur, qu’a-t-il voulu dire ? S’il rompt ainsi le fil de son discours, c’est donc qu’il a un autre objectif que celui de la musique pure, et que sans doute il tient à mettre en relief une idée littéraire … mais cette idée, comment la connaître ? »

— « Tout simplement par les paroles du cantique », me répondait Schweitzer ; et alors il me récitait les vers du Choral en question, lesquels justifiaient pleinement le musicien, et montraient la souplesse de son génie descriptif aux prises avec le mot à mot du texte : je venais de constater qu’il était impossible d’apprécier l’œuvre en ignorant le sens des paroles sous-entendues.

Et c’est ainsi que nous nous mettions à feuilleter les trois livres du recueil en découvrant l’exacte signification des choses. Tout s’expliquait et s’éclairait, non-seulement dans les grandes lignes de la composition, mais jusque dans le plus petit détail. Musique et Poësie s’étreignaient étroitement, chaque dessin musical correspondant à une idée littéraire. Et c’est ainsi que ce recueil admiré jusqu’alors comme un modèle de contrepoint pur, m’apparaissait comme une suite de poëmes d’une éloquence, d’une intensité d’émotion sans pareilles.

La première conséquence de notre analyse fut que la nécessité s’imposait d’une édition des chorals portant le texte littéraire inscrit au-dessus de la musique qui le commente, édition dans laquelle on respecterait l’ordre voulu par le Compositeur, d’après la succession des fêtes de l’année.

La seconde, c’est qu’une étude sur le symbolisme de ces