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Page:Schweitzer - J. S. Bach, le musicien-poète.djvu/15

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trois livres ne s’imposait pas moins ; et que s’il était un critique tout indiqué pour l’entreprendre, c’était certainement Schweitzer, grâce à ses aptitudes à la fois théologiques, philosophiques et musicales.

Et il se mit au travail, commençant par assembler les textes dont Bach s’était servi, recherche délicate, beaucoup d’entre eux n’étant plus en usage dans la liturgie Luthérienne, et par cela même assez difficiles à retrouver. Mais bientôt il s’apercevait qu’à diverses époques, Bach ayant traité les mêmes sujets soit instrumentalement, soit vocalement, l’analyse des Chorals entraînait celle des Cantates : impossible de séparer les uns des autres, les mêmes formules, les mêmes volontés, le même idéal se manifestant çà et là. Bref, la petite étude que je lui avais demandée devenait un gros travail d’ensemble. Il fallait écrire tout un chapitre sur l’histoire de la musique religieuse en Allemagne, afin de faire comprendre dans quel esprit Bach a travaillé, montrer quelle est sa part d’invention, distinguer ses thèmes à lui des mélodies qu’il a prises, pour les intercaler dans ses Passions sous forme des Chorals, à droite et à gauche dans un passé qui remonte quelquefois jusqu’au Moyen-âge ; (toutes les mélodies de ces Chorals existaient avant lui). Il fallait, de plus, laisser entrevoir l’invasion de la musique dramatique dans la liturgie des Églises Allemandes à cette époque. Il fallait réserver enfin tout un long chapitre aux notes et aux documents biographiques indispensables….

— « Tant mieux, lui disais-je, votre œuvre n’en sera que plus intéressante, écrivez autant de chapitres qu’il faudra, rien ne presse ».

Et lui, alors, de m’objecter ses terreurs en face d’un sujet aux proportions sans cesse grandissantes, et la diversité de ses travaux et les nécessités de sa carrière universitaire … — « D’accord, mais avec de l’ordre et de la volonté, que ne fait-on pas ? » —