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onner sur le monde qu’au fur et à mesure des publications de la Bach-Gesellschaft, c’est à dire à partir de 1850.

En France, le mouvement fut déterminé par de tout autres causes, et seulement quelques années plus tard. Ces causes, je les ai indiquées dans mon Appendice au Traité de Berlioz (Technique de l’orchestre moderne, Breitkopf, 1904). La principale, c’est la rencontre sur le grand chemin artistique, de notre génial facteur d’orgues, A. Cavaillé-Coll, et du célèbre organiste Belge, Lemmens, qui revenait alors de Breslau où il était allé recueillir, chez le vieux Hesse, les pures traditions classiques.

Lemmens a été mon maître, ainsi que celui de Guilmant, et ces traditions, il nous les a laissées pour les transmettre à notre tour.

Les magnifiques instruments de Cavaillé-Coll nous permirent, par leur précision et leur sonorité, d’admirer de plus près les œuvres des maîtres, de les mieux sentir. Quant à celles de Bach, Sonates, Chorals, Préludes, Fugues, plus nous les pratiquions, plus elles nous pénétraient. On accélère inconsciemment le mouvement de certains auteurs dont on joue plusieurs fois les mêmes pièces : ici, c’est tout le contraire, car chaque note demande à être distinctement entendue : dans cette admirable polyphonie, jamais rien d’inutile.

Cavaillé-Coll rappelait, toujours avec le même étonnement, la lenteur de la Fugue en ré majeur sous les doigts du vieux Hesse, à Paris, en l’Église Ste Clotilde dont l’orgue venait d’être achevé.

Chaque fois qu’on redit une pièce de Bach, il semble qu’on y découvre quelque détail nouveau. On cherche à mieux rendre les intentions de l’auteur, et l’on va moins vite afin de s’écouter mieux.

Élevés dans le culte de Bach, les organistes Français, depuis quarante ou cinquante ans, se sont faits les propagateurs dévoués de son œuvre vocale. La société que je