suffixes divers. Parmi ceux-là, nous avons particulièrement remarqué :
ique, | oque, | uche, | atte, | ème. |
Ces suffixes n’appartiennent pas en propre aux mots dont ils forment la désinence ; ils sont très mobiles. On dira fort bien †latronpuche pour latronpatte, †lemmefoque pour lemmefuche, etc. Cette mobilité des suffixes est un fait remarquable ; et la constatation de ce fait aura sur-le-champ son utilité. Étant donné un mot ordinaire à déformer, l’argot y voit : 1o une partie immobile (disloquée ou non) ; 2o une partie mobile. Plus cette partie mobile ressemblera à un élément argotique, plus sa substitution s’opérera aisément. Ainsi « boutique » donnera boutoque et boutanche. L’argot connaissait déjà un suffixe très mobile ique dont il se servait dans les formations artificielles ; de là le déplacement qui s’est produit dans « boutoque ». Mais « boutanche » est l’équivalent de « boutoque » ; n’y a-t-il pas lieu de voir dans anche un suffixe qui s’est également substitué à ique ? Une comparaison avec d’autres mots pourra nous l’apprendre. La †préfectance pour la préfecture présente le même groupe, moins le chuintement. Calancher (mourir. — Richepin, Césarine) rapproché de caler qui a la même signification, offre encore ce suffixe. Dès lors nous devons rapprocher de ces mots brodancher pour « broder » et dorancher pour « dorer »[1]. L’explication métaphorique donnée par F. Michel se réduit à une formation artificielle. Si nous remontons plus haut dans les annales de l’argot, nous retrouverons le suffixe anche. Le Jargon de l’argot réformé donne trimancher et trimer (cheminer, marcher), pictancher et picter (boire). Relevant au passage dans le même vocabulaire la variante pitancher (boire), nous pouvons soupçonner l’origine argotique du mot « pitance » qui a gardé le suffixe sans la chuintante. Et enfin peut-être faut-il rapprocher le mot « bombance » de l’expression d’argot militaire « partir en bombe ». Cette locution n’aurait plus dès lors un sens métaphorique, emprunté à l’artillerie : bombe serait l’original du doublet artificiel bombance. L’incertitude du langage au sujet du mot tronche (tête) entré dans les dictionnaires classiques sous la forme tranche avec la désignation « populaire » doit nous amener à y voir le suffixe anche. On avait voulu expliquer jusqu’à présent le mot tronche par le latin trunca[2]. L’idée qui était au fond de cette interprétation avait son origine dans le souvenir de cette alliance de mots si fréquente dans les textes, obtruncare caput. La tronche était ce qu’on tranche
- ↑ M. Ascoli a rapproché ces formes. (V. Studj critici.)
- ↑ Voir Lorédan Larchey, Dict. de l’argot parisien. « La tronche montre la tête tombant sous le couteau de la guillotine. »