Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/127

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mes habits qui se jetèrent sur moi et me poussèrent vers un couloir obscur. Je passai, je fus porté à travers des tunnels gluants, entre des murailles visqueuses. Un temps inappréciable s’écoula. Je perdis la notion des heures, me sentant toujours entraîné.

Tout à coup la lumière blanche me saisit tout entier ; mes yeux tremblèrent dans leurs orbites ; mes paupières clignèrent au soleil.

Je me trouvai assis devant une petite porte basse, en ogive, fermée d’une serrure à longs serpents de fer et croisée de traverses vertes : une porte rigoureusement semblable à la porte mystérieuse, mais percée dans un immense mur blanchi à la chaux. La rase campagne s’étendait devant moi ; l’herbe était brûlée, le ciel d’un bleu opaque. Tout m’était inconnu, jusqu’aux tas de crottins qui gisaient près de moi.

Et j’étais là, perdu, pauvre comme Job, nu comme Job, derrière la seconde porte ; je la secouai, je l’ébranlai — elle est fermée à jamais. Ma cuillère d’étain claque contre ma sébile. Oh ! oui, l’opium est plus puissant que l’ambroisie, donnant l’éternité d’une vie misérable — plus subtil que le nectar, mordant le cœur de peines si cruelles — plus juste que les dieux, punissant les curieux qui ont voulu violer les secrets de l’au-delà ! Ô très juste, subtil et puissant opium ! Hélas, hélas, ma fortune est détruite — oh ! oh ! mon argent est perdu !