Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/142

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ensuite à votre découpage progressif au moyen de son bowie-knife.

J’observai donc ce phénomène étrange et contraire à toutes ces pâles histoires de fantômes, que j’avais peur de voir Tom Bobbins, le squelette, redevenir vivant. Parce que je me souvenais d’avoir été mis dedans un couple de fois. Et parce que mon ami Tom Bobbins de l’ancien temps était d’une remarquable dextérité dans la joûte au couteau. Parce qu’en fait, dans un moment de distraction, il m’avait taillé une aiguillette dans le revers de ma cuisse droite. Et lorsque je vis que Tom Bobbins était Tom Bobbins, et n’avait plus du tout l’air d’un squelette, mon pouls se mit à battre si vite qu’il n’y eut plus qu’un battement ; une horripilation générale me saisit, et je n’eus plus le courage de dire un mot.

Tom Bobbins planta son bowie-knife dans la table, suivant son habitude, et me proposa une partie d’écarté. J’acquiesçai humblement à ses désirs. Il se mit à jouer avec une veine de pendu. Je ne crois pourtant pas que Tom ait jamais gigoté à une potence, parce qu’il était trop malin pour ça. Et à l’envers des effroyables récits de spectres, l’or que je gagnai à Tom Bobbins ne se changea pas en feuilles de chêne ni en charbons éteints, parce que justement je ne lui gagnai rien du tout et qu’il me râfla ce que j’avais en poche. Après, il commença à jurer comme un damné ; il me raconta des histoires épouvantables et corrompit tout ce qui me restait d’innocence. Il étendit la main