Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/153

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léguée mes pères. Enfin au lieu de m’abandonner à la calme consolation de cette gingembre… comment… alcali volatil, qui du moins eût pu servir d’explication à ma famille et à mes amis, vous m’apprenez avec une allégresse diabolique que je n’en ai jamais été atteint. Et maintenant je suis impropre à tous les usages domestiques, les deux moitiés de ma mâchoire ne se rejoignent plus ; elles débordent tristement l’une sur l’autre ; un tuyau de pipe n’y résisterait pas et je ne pourrai plus chiquer de ma vie. Toutes mes joies sont détruites ! »

Cet être gélatineux affecta le plus profond sang-froid, tira sa montre et expectora ces mots : « Vous êtes resté quatre heures ; mes honoraires sont de deux cents francs. »

Je sentis que l’insulte avait dépassé les bornes. Je saisis le « maillet automatique, » et je me précipitai sur lui pour le « lyncher. » Je voulais lui briser chaque dent mâchelière de sa mâchoire démoniaque. Mais je ne ramenai au bout de l’instrument qu’un double râtelier, qui frappa le parquet avec un claquement. C’est alors que j’éprouvai dans toute son horreur le dédain de son sourire. Je me contentai de lui jeter un regard de défi, et je sortis.

Je comprends maintenant pourquoi les perruquiers sont chauves, pourquoi les barbiers sont toujours glabres et pourquoi les musiciens qui ont infligé à nos oreilles les tortures les plus raffinées jouissent d’une surdité précoce. J’attribue à un calcul