Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/160

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fait bon vivre. Prenez-vous de ce sucre avec vos crevettes ? C’est excellent.

— Savez-vous ce que c’est que le sucre ? dit l’homme maigre, d’une voix placide.

— Oui, » répondit l’homme gras, surpris, et laissant tomber de nouveau sa lèvre de dessous, en s’arrêtant, la cuiller à la bouche. « C’est-à-dire non, j’en mange avec certains plats — le sucre m’est égal. C’est bon, le sucre. Qu’est-ce que vous avez à dire du sucre ?

— Mon Dieu, rien, dit l’homme maigre, ou presque rien. Vous savez bien que vous absorbez de la saccharose, ou sucre de canne ; et vous tirez des féculents et des matières hydro-carburées d’autres sucres que vous transformez en sucre animal, sucre interverti ou glycose…

— Et que voulez-vous que cela me fasse ? dit l’homme gras, en riant. Saccharose ou glycose, le sucre est bon. J’aime les plats sucrés.

— D’accord, dit l’homme maigre, mais si vous fabriquez trop de glycose, vous aurez le diabète, cher ami. Bien vivre donne le diabète ; je ne serais pas étonné que vous en eussiez quelques traces. Prenez garde, en aiguisant ce couteau.

— Et pourquoi ? dit l’homme gras.

— Mon Dieu, reprit l’homme maigre, pour cette simple raison : c’est que vous avez probablement le diabète, et que si vous vous coupez ou si vous vous piquez, vous allez courir un grand danger.