Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/197

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légions, son courage commençait à la quitter, et elle se désespérait.

Voilà qu’un jour elle tressaillit en entendant au loin des « tubæ » qui sonnaient un air connu. C’était un air du pays, un air sur lequel les gars et les filles se chantaient des répons ; elle l’avait chanté avec son amant. Son cœur se mit à battre.

Un bataillon arriva, « maniplus » par « maniplus » par « maniplus, » les frondeurs en tête, puis les piquiers, les porteurs de « pilum, » avec les « centuriones » sur le flanc. Elle se pencha pour voir et reconnut dans un « maniplus » des hommes de son pays, partis jadis avec son fiancé.

Poussant un grand cri, elle s’élança sur la route, en avant des soldats, et elle les retenait en hurlant. Mais eux ne reconnaissaient pas dans cette vieille la riante jeune fille qu’ils avaient quittée ; ils voulaient la repousser, lorsqu’elle demanda en pleurant où était Clodius, Clodius son fiancé.

« Il avait une toge brune, dit-elle, un anneau d’argent au doigt ; il portait à sa poitrine l’écharpe bleue tissée par moi. »

Et l’un d’eux répondit : « Nous connaissions bien Clodius ; il est mort en Bretagne ; les Bretons l’ont tué. Il a gardé son écharpe, pour mourir en l’embrassant ; mais il m’a donné son anneau, pour le rendre à sa fiancée. »

Il mit l’anneau à son doigt, et le bataillon passa. Et quand la jeune fille eut l’anneau, l’anneau d’argent