Aller au contenu

Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans une taverne de ces montagnes. C’est un hôtel où on fait mince chère, à l’enseigne du « Pourcelet » ; et la chopine de vin y est si dure qu’elle vous fait peler la bouche. En mangeant un morceau de fromage à tout une tranche de pain noir, nous dîmes quelques paroles à un compagnon qui se trouvait là. Il avait la mine d’avoir servi dans les grandes guerres et peut-être contre le roi : nous le vîmes par son basilaire de façon anglaise qui paraissait usé à force de frapper sur les bassinets de buffle et de torchons. Son nom était Robin le Galois, comme il nous dit, et il avait une manière de parler étrangère, étant d’Aragon. Il nous raconta qu’il avait été dans les Compagnies, efforçant les villes à l’échelle, où ils rôtissaient les bourgeois pour savoir les cachettes d’écus ; et ses capitaines avaient été Geoffroy Tête-Noire et Mérigot Marchès du Limousin. Ce Mérigot Marchés avait été décapité l’an passé aux Halles de Paris ; et son dernier tourment si notable que nous avions vu sa tête au bout d’une lance sur l’échafaud ; une tête couleur de plomb avec du sang caillé au nez et les peaux du cou qui pendaient.

Nous prîmes du cœur sur ce récit et lui demandâmes s’il y avait quelque ressource dans le haut pays pour les gens d’armes. Sur quoi, il nous dit que non pour les grandes pilleries des compagnons qui y avaient été dix ans et plus ; en compagnie desquels il avait bravement rançonné les bourgs et couru les terres tant qu’il ne restait pas la queue d’un cochon