Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/203

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coude : il me cligna de l’œil. Notre amie Museau de Bregis nous avait si fort pressés que nous n’avions plus un denier dans nos bourses. Nous devions faire argent de tout pour reprendre notre bonne chère au retour. Je parlai donc plus à plein à ce compagnon Robin le Galois, tenant propos pour moi-même et pour Jehannin de la Montaigne. Et nous fîmes une convention que le partage serait équitable si la moitié du trésor revenait à lui, Robin, tandis que nous aurions chacun le quart. Une chopine de vin consacra notre pacte ; et nous sortîmes de l’hôtel environ comme le soleil tombait derrière le rideau de montagnes qui est vers le couchant.

Comme nous marchions, nous entendîmes hucher derrière nous ; à l’ouïe duquel huchement Robin se détourna, disant qu’il reconnaissait le signal de sa compagnie. De fait se présenta sur le côté de la route un homme fort déchiré, à houppelande verte, qui avait la figure blême et l’aumusse rabattue sur les yeux ; dont Robin nous dit qu’il se nommait Le Verdois et qu’il convenait l’emmener avec nous un peu, pour qu’il ne s’aperçût de rien. La nuit tomba rapidement, comme il se fait en pays de montagnes, et, la brouasse s’épaississant, il vint un autre compagnon silencieux, vêtu d’un jaque noir, à chaperon bien troué et quelque peu de barbe, ce qui nous surprit. Ôtant son chaperon par manière d’obéissance, le vis qu’il portait tonsure, comme un clerc. Mais je pense qu’il ne l’était point ; car la seule fois