Aller au contenu

Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il rompit le silence, il jura le vilain serment. De celui-là Robin ne dit rien ; sinon qu’il hocha la tête et souffrit le Compagnon Silencieux marcher auprès de lui. Nous passions sur des rochers pointus, parmi des brousses ardues, avec une bise aigre qui nous coupait la figure, lorsqu’une main osseuse me saisit le bras, ce dont je reculai soudain. Le nouvel homme avait une mine qui portait la terreur ; ses deux oreilles étaient coupées ras, et il était manchot du bras gauche ; un coup de basilaire avait fendu sa bouche, de sorte que ses lèvres se retroussaient à la manière d’un chien qui ronge un os. Cet homme me tenant contre lui avait un rire féroce, et ne disait rien.

Ainsi nous marchâmes sur le haut sentier d’Arches pendant environ deux heures. Robin le Galois jargonnait toujours, disant qu’il connaissait la route, pour l’avoir faite maintes fois avec Mérigot Marchès, du temps qu’on pendait les paysans aux branches des arbres pour ne pas priver de leurs récoltes les oiseaux du ciel, ou qu’on leur mettait des chapeaux rouges à la tête avec des bâtons de cormier. Donc Mérigot Marchés avait été dépecé aux Halles comme un bœuf, et ses quatre quartiers exposés aux justices du roi, parce qu’il était noble, fils de monseigneur Aimery Marchès du Limousin ; au lieu que lui, Robin, simple homme de guerre, aurait été faire aux fourches patibulaires de notre sire la moue à la lune.

Venant deçà le bourg d’Arches, est une rivière qui