Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/212

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tirer de force son surcot, sa cotte et sa chemise, « qui paraissait de soie, aussi marquée du sceau de Salomon. » Alors elle se roula sur les carreaux du Châtelet ; puis, se relevant brusquement, elle présenta son entière nudité aux juges stupéfaits. Elle se dressait comme une statue de chair dorée. « Et lorsqu’elle fut liée sur le petit tréteau, et qu’on eut jeté un peu d’eau sur elle, ladite princesse du Caire requit d’être mise hors de ladite question et qu’elle dirait ce qu’elle savait. » On la mena chauffer au feu des cuisines de la prison, « où elle semblait trop diabolique ainsi éclairée de rouge. » Lorsqu’elle fut « bien en point, » les examinateurs s’étant transportés dans les cuisines, elle ne voulut plus rien dire et passa au travers de sa bouche ses longs cheveux noirs.

On la fit alors ramener sur les carreaux et attacher sur le grand tréteau. Et « avant qu’on eut jeté peu ou point d’eau sur elle ou qu’on l’eut fait boire, elle qui parle requit instamment et supplia d’être déliée, et qu’elle confesserait la vérité de ses crimes. » Elle ne voulut se revêtir sinon de sa chemise magique.

Quelques-uns de ses compagnons avaient dû être jugés avant elle, car maître Jehan Mautainct, examinateur au Châtelet, lui dit qu’il ne servirait de rien si elle mentait, « car son ami le baron était pendu, aussi plusieurs autres. » (Le Registre ne contient pas ce procès.) Alors, elle entra dans une éclatante fureur, disant que « ce baron était son mari ou autrement,