Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/211

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s’agissait d’une fille de la même bande. Elle était accompagnée, dit l’interrogatoire, d’un certain « baron, capitaine de ribleurs. » (Ce baron doit être le Baro Pani de la chronique manuscrite.) Il était « homme bien subtil et affiné, » maigre, à moustaches noires, avec deux couteaux dans la ceinture, dont les poignées étaient ouvragées d’argent ; « et il porte ordinairement avec lui une poche de toile où il met la droue, qui est un poison pour le bétail, dont les bœufs, vaches et chevaux soudain meurent, qu’ils ont mangé du grain mélangé avec la droue, par étranges convulsions. »

La princesse du Caire fut prise et menée prisonnière au Châtelet de Paris. On voit par les questions du lieutenant criminel qu’elle était « âgée de vingt-quatre ans ou environ » ; vêtue d’une cotte de drap quelque peu semée de fleurs, à ceinture tressée de fil en manière d’or ; elle avait des yeux noirs d’une fixité singulière, et ses paroles étaient accompagnées de gestes emphatiques de sa main droite, qu’elle ouvrait et refermait sans cesse, en agitant les doigts devant sa figure.

Elle avait une voix rauque et une prononciation sifflante, et elle injuriait violemment les juges et le clerc en répondant à l’interrogatoire. On voulut la faire dévêtir pour la mettre à la question, « afin de connaître ses crimes par sa bouche. » Le petit tréteau étant préparé, le lieutenant criminel lui ordonna de se mettre toute nue. Mais elle refusa, et il fallut lui