Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

On fit venir aussitôt la princesse du Caire. Nue devant les tréteaux, éblouissant des dorures de sa peau les juges et les clercs, tordant sa chemise marquée au sceau de Salomon, elle déclara que ces tourments avaient été envoyés par elle. Deux « botereaux » ou crapauds étaient dans un endroit secret, chacun au fond d’un grand pot de terre ; on les nourrissait avec de la mie de pain trempée dans du lait de femme. Et la sœur de la princesse du Caire, les appelant par les noms des tourmentés, leur enfonçait dans le corps de longues épingles : tandis que la gueule des crapauds bavait, chaque blessure retentissait au cœur des hommes voués.

Alors le lieutenant-criminel remit la princesse du Caire aux mains du clerc Alexandre Cachemarée avec ordre de la mener au supplice sans plus loin procéder. Le clerc signa le procès de son paraphe accoutumé.

Le registre du Châtelet ne contenait rien de plus. Seul, le Papier-Rouge pouvait me dire ce qu’était devenue la princesse du Caire. Je demandai le Papier-Rouge, et on m’apporta un registre couvert d’une peau qui semblait teinte avec du sang caillé. C’est le livre de compte des bourreaux. Des bandes de toile scellées pendent tout le long. Ce registre était tenu par le clerc Alexandre Cachemarée. Il comptait les gratifications de maître Henry, tourmenteur. Et, en regard des quelques lignes ordonnant l’exécution, maître Cachemarée, pour chaque pendu dessinait