Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/219

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quoi s’émouvoir ; car des messagers venus de Troyes en Champagne, disaient que la ville était presque toute brûlée. Or ils parlaient ainsi dans la nuit, sur la place de Saint-Jean-de-Grève, devant l’église ; des petits garçons qui dormaient encore tenaient leurs chevaux ; et leurs ceintures, leurs épées, leurs éperons luisaient aux lanternes. Ils dirent que le feu durait depuis deux jours ; le Marché au Blé était brûlé et la rue du Beffroi avec la grosse cloche fondue, et l’Etape au Vin, et l’hôtellerie du Sauvage, où on mangeait andouilles fermes et grasses, avec vin clairet. Les boute-feux avaient tout allumé, de leur mixtion infernale, qui était de poudre à canon, avec du souffre et de la poix. Personne n’avait pu les voir ou les saisir ; et il était à présumer qu’ils étaient de Naples et qu’ils allaient en grand mystère brûler toutes les bonnes villes du royaume. On disait, environ la Noël, que Paris était plein de Marrabais italiens qui prenaient les petits enfants secrètement et les tuaient pour en avoir le sang. Et semblablement ces boute-feux étaient de la même secte et confession.

Le prévôt et les échevins, vêtus de leurs robes mi-partie, avec les conseillers de la ville, quarteniers, sergents, archers, arbalétriers, et hacquebutiers avec leurs hoquetons, sortirent incontinent, portant des falots ; et aussitôt fut enjoint et déclaré publiquement qu’on mènerait le guet de nuit par les rues, ce qui fut fait. Et le lendemain on conduisit au gibet