Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/220

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un homme inconnu, dont il semblait à un tavernier de la rue Saint-Jacques qu’il eût renié Dieu, et qui ne voulut rien dire devant le lieutenant de la prévôté, ni devant le Parlement. Il fut monté sur une mule depuis la Conciergerie, bonnet en tête, vêtu d’une robe de drap frisé, de couleur tannée ou enfumée, avec un sayon de camelot, et on fit son cri en trois fois devant les gens du guet, à cheval ou à pied, et le peuple de Paris. Lui fut baillé pain et vin devant l’église des Filles-Dieu, comme de coutume ; et on lui donna dans la main une croix de bois, peinte de rouge. Puis lui fut son bonnet ôté, pour qu’il montât au gibet tête nue.

Et cette exécution rendue au plaisir de Notre-Seigneur, on fit diligence la nuit avec falots, lampes et chandelles pendues aux portes et gros guet à pied et à cheval de cinq ou six cents hommes de la ville. On ne savait où aller, de peur. La coutume n’étant pas d’avoir les rues et ruelles éclairées, les porches, embrasures, et coulées de pierre semblaient plus noires. Et tantôt il y passait des archers qui secouaient leurs torches. Les lumignons brillaient aux petits carreaux après le couvre-feu, qui était grande nouveauté. Les images de Notre-Dame étaient illuminées d’un falot, avec garde spéciale, certains d’une secte hérétique ayant mutilé les saintes images en divers lieux.

Le lendemain, on dit par les rues et dans les boutiques, mêmement chez les barbiers, qu’il était