Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/224

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le saint ciboire sur l’autel. Et, trouvant dans la coupe le Corpus Domini, ils le mangèrent solennellement tous trois, prétendant avoir faim, et qu’ils communiaient et se remettaient le péché qu’ils venaient de commettre.

Puis ils descendirent dans une auberge basse, où l’on tournait bride à la fourche de deux chemins. Mais voulant boire, Colard vomit le vin ; Tortigne resta comme étonné, son verre dans la main, et Philippot laissa choir le sien. Ils devinrent fort blancs, et, disant qu’ils étaient saouls de ce qu’ils avaient mangé à l’église, ils tombèrent autour de la table en diverses façons. Et, tout à coup, on vit que des fusées de fumée grise, épaisse, puante, jaillissaient de la gorge de Colard, du dos de Tortigne, du ventre de Philippot ; à quoi l’on aperçut qu’ils brûlaient, et bientôt ils furent entièrement consumés, leurs figures et leurs membres étant noirs comme du charbon. Ce qui fut commenté par les gens du pays de manière variée ; mais il est hors de doute que ces trois galants, ayant été marqués pour être punis à cause des boutements de feux, tombèrent, par grâce divine, dans leur sacrilège : car ils furent brûlés.