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Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/223

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bonne façon, vêtue à la mode espagnole. Elle avait sur elle un ciel d’or frisé, en tête une crépine de drap, faite de papillons d’or, où étaient ses cheveux qui lui pendaient par derrière, jusqu’aux talons, entortillés de rubans ; un bonnet de velours cramoisi, une robe du même, doublée de taffetas blanc, bouffant aux manches au lieu de la chemise, les manches couvertes de broderies d’or. Sa cotte était de satin blanc, forcé d’argent battu avec nombre de pierreries.

— Et tu eus le loisir, dit Colard, d’examiner et tenir en mémoire ces divers habillements ? Tu mens, par la sanglante mort-Dieu.

— Voire, répondit Philippot, et ne jure qu’à bon escient. Car le valet du bourreau m’arrêta devant la dame, de grande diligence, afin que le page de cette belle dame de mon choix et volonté pût me cracher commodément dans la figure. »

Ainsi devisant dans leurs galles, et plumant la poule sans crier, ils vinrent sur les basses marches du Poitou. Là, ils contrefirent les hommes de guerre jusqu’en une église paroissiale, près de Niort. Ils entrèrent, criant et jurant ; le prêtre disait une messe basse, vêtu de son aube. Ils prirent les vases de cuivre, d’étain et d’argent, quoi qu’il pût leur dire. Puis ils lui commandèrent de monter chercher le saint ciboire, au moins la coupe, qui était d’argent doré. Ce que le prêtre refusa. Sur quoi Tortigne lui attacha son aube sur la bouche, tandis que Philippot prenait