Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/229

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planquer sa brune dans une maison de la Maubert. Il devait retrouver la Chevalière là-haut. Ce soir-là, le ciel était couvert ; il bruinait.

« ‹ Où est donc Du Châtelet ? › dit Cartouche brusquement.

« Personne ne répondit mot.

« ‹ Savard, où est Du Châtelet ? › répéta Cartouche en entrant dans l’auberge.

« Savard la fouine sourit, en allongeant sa grande figure jaune : ‹ Il doit être de garde ce soir, dit-il.

« — De garde, il n’y aura plus de garde pour lui ! cria Cartouche. Il a mangé le morceau ; tu sais, Savard, si tu es avec lui pour nous coquer, j’ai six pistolets ici, il en restera toujours un pour toi.

« — Là, là, dit Savard, ne vous fâchez pas, maître Dominique, et montez voir la Chevalière, qui vous attend. ›

« Nous montons ; la Chevalière était en haut. Voilà Cartouche qui se regaillardit ; on fait venir des chopines, nous fermons les rideaux, nous allumons les chandelles. Savard chantonnait en rangeant les assiettes pour nous faire souper :

                                     « ‹ J’ai du chenu pivois sans lance
                                     Et du larton savonné,
                                     Une lourde, une tournante,
                                     Lonfa malura dondaine,
                                     Et un pieu pour roupiller,
                                     Lonfa malura dondé. ›

« Quel traître ce Savard ! Sans faire mine de rien, il s’était entendu avec le Lieutenant-Criminel et le