Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/228

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mais il a pris peur, et le Ministre de la Guerre, M. Le Blanc, a tout su par lui.

« Dans ce temps-là, j’étais extrêmement affuté, et j’avais l’oreille de Cartouche. Il aimait deux femmes : la petite brune qui a été rouée, et la Chevalière. Je lui dis : ‹ Dominique, nous ne nous tirerons pas de là avec tes deux largues.

« — Sois tranquille, dit Cartouche ; nous ne sommes pas encore pris, et si le moment arrive, Petit Gascon, tu m’en planqueras une. ›

« On ne savait plus où aller. Toutes nos piolles, tous nos cabarets étaient traqués. Les Porcherons ne valaient plus rien. Savard, à la Haute Borne de la Courtille, avait déjà invité les gens d’épée qui nous gaffaient chez sa voisine, madame Ory, à venir souper d’un dindon, avec Cartouche. Ce Savard était un vilain homme, et couard ; il avait été pourtant affranchi ; mais il mangeait aux deux râteliers. Malgré cela, c’était encore le plus sûr. Toute la bande battait la dèche, maintenant que nos coups étaient épiés, et il nous donnait encore à croustiller, avec du bon vin, dans la chambre du haut. On couchait à la Courtille plus souvent qu’on n’en descendait ; et nous restions enfermés, à boire et à jouer aux cartes. Pour Cartouche, il avait ses deux dames ; Blanchard, Balagny et Limousin se rongeaient les doigts de ne rien faire.

« Le dimanche treize octobre — je m’en souviens bien, c’est jour de malheur, — nous montons au Pistolet chez Savard. Cartouche s’était décidé à