Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/240

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                                Boire encore un petit coup
                                De ce tant doux bran-de-vin.
                                Je veux boire à Fanchonnette,
                                Buvons donc à ma catin.
                                Baisons-nous en godinette,
                                        Mon enfant,
                                    Fiche-moi le camp ! »

Il embrassa ma jolie ravaudeuse sur les lèvres, vida sa pipe à petits coups sur son ongle, cracha en se dandinant, et, debout, se dirigea vers la porte. J’eus à peine le temps de fuir vers l’escalier : le misérable m’eût dénoncé.

« Cruelle, cruelle Fanchonnette ! disais-je en pensant à sa trahison. Est-ce pour cela que j’ai tant souffert, que j’ai tout perdu ! La Tulipe, une valetaille qui sent mauvais ! Hélas ! Fanchon-la-Poupée, pourquoi m’avoir aimé, pourquoi m’avoir fait verser des larmes ? »

Comme j’achevais ces paroles, la jolie ravaudeuse entra. Elle jeta un cri de surprise, vit mes pleurs, et, tremblante, elle comprit tout. Elle voulut parler ; mon regard indigné l’arrêta.

« Oui, dit-elle enfin, je vais rejoindre celui qui m’aime. À ravaudeuse il faut garde-national.

                                 Baisons-nous en godinette,
                                         Mon enfant,
                                     Fiche-moi le camp ! »

Je demeurai atterré, tandis qu’elle sortait en souriant gracieusement. Toute la nuit, je versai des