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Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/242

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Podêr


Il s’appelait Jean-François-Marie Podêr, — ou du moins c’était le nom inscrit sur son livret. Les camarades l’appelaient Jean-Marie Nigousse. Il avait des yeux clairs, gris, sans fond, un nez épaté et des dents pointues ; trapu et large d’épaules, il marchait comme un canard. D’ordinaire, il tirait sa flemme sur son lit qu’il avait poussé dans le coin de la chambrée comme le plus ancien. Souvent il manquait à l’appel du soir : c’est qu’il était parti en bombe. Il y restait cinq jours et revenait le sixième, avant d’être porté déserteur. En rentrant, il mettait pantalon de treillis, bourgeron, calot, et allait trouver l’adjudant à la salle des rapports. Le lendemain, il était soûl au balayage, trouvant toujours moyen de se faire apporter une cruche de vin de la cantine à la prison, et à l’œil.