Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/243

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Dans le Mazarot, il avait son coin, sa couverte, et son bout de bat-flanc ; et sous le ressaut de bois qui sert d’oreiller sa blague à tabac, un saucisson et une chandelle. Quand l’adjudant râflait le fourniment, il descellait une dalle et se creusait une cave à provisions.

Il était l’ami du trompette Guitô, qui ne parlait presque pas français, un brun maigriot à moustaches naissantes. Le soir, souvent, après l’extinction des feux, ils restaient tous deux à causer du pays, assis sur un lit, les jambes pendantes — Guitô sur le pied — Podêr à califourchon contre le traversin, avec une gamelle de rata dans la fourchette de ses cuisses. Je devins leur compagnon, une nuit qu’on jouait à attraper d’un coup de dents une pomme de terre pendue à la planche à pain, avec une chandelle fichée au milieu. Guitô y mordit d’aplomb, avec son rire breton :

« Toi payer bouteille de rhum ; moi boire comme une vache. »

Et après la bouteille, on sauta le mur. Avec la voiture de la cantine, une corde à fourrages attachée a la galerie extérieure, c’est vite fait. Hors de la grille du quartier, on passa dans l’ombre de la guérite loin de la lanterne du poste — et puis le long du mur. — Et en route pour la Vigne en fleur, pour jouer au trois-sept, boire du rhum, prendre des états-majors, et regarder la petite bonne.