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Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/271

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d’homme, à qui on venait d’ôter le voile du palais, répondait d’une voix sifflante, comme une pompe qui fuit : « Il… est… deux heures. »

Alors la porte du fond s’ouvrit, et une lumière jaune parut sur une tache grise, qui vint en glissant parmi la double haie de lits. Quand le « bloum » vit la lanterne et la cornette blanche, il se mit à hurler :

« Je la vois, cette vache de frangine. Je les connais, les frangines des hospices. C’est tout des vaches qui devraient crever. La mienne est partie dedans. Si jamais je la retrouve, je la gonflerai. Sérieusement. Si elle veut se faire emplâtrer, elle n’a qu’à rappliquer. Elle m’a foutu dans la purée, la goyau — une môme à la manchiquoise — avec son gniasse à la tourte. J’en ai eu des gigolettes à la cloche, après, qui la dégotaient. J’en ai eu qui envoyaient des vannes plus bat que cette trottin à la manque. Et, malgré ça, elle m’est restée dans la poire. Je l’ai dans la couatche. Elle est là. Vache ! »

Il resta la bouche ouverte, anéanti. Sur lui se penchait sœur Angèle. La lumière de la lanterne tomba sur son moignon d’oreille, tandis qu’il roulait la tête, sur une dentelure de chair cicatrisée, souvenir d’un « dos qui lui avait bouffé l’esgourde. »

Dans cette âme hideuse, l’image de la seule fille honnête qu’il eût connue était restée ineffaçable. Il la haïssait, il voulait la « crever » ; s’il l’avait retrouvée, il l’aurait marquée, mais par passion. La petite Odette, la petite modiste, regardait le débris de ce