Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/280

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défaillante, elle s’appuya contre la toile de la tente.

Mais le lutteur avait vu, — et, saisissant le crève-cœur à la nuque, il le poussa d’un coup de genou, en le secouant comme un chien hargneux : « Ah ! saucisse, tu voulais me saigner ? criait-il : — je vas t’en foutre, une saignée, chéri des dames. Lâche ton lingue, ou je te serre le kique. »

Le crève-cœur se releva, le regard mauvais, reprit ses vêtements et se coula dehors, parmi les huées. La petite maigre l’attendait dans l’ombre, et son rire sonna sur l’air froid de la nuit :

« T’as la guigne ! crève-cœur, disait-elle. C’est pas la peine de blafarder — j’ai plus le trac. Tu peux bien sortir ton couteau. C’est pas toi que j’ai à la bonne, c’est lui. T’aurais pas eu le flube, pour le crever, que je me sentais comme adoucie, parce que t’es vraiment mauvais. Je croyais que tu tenais ton scion. Mais t’as pas la force. Ne ressaute pas, je rentre voir le gros. Il est rien beau — il a des bras comme des jambes. Je me laisserais bien prendre de riffe, par lui. Ça te fait fumer — je te crains pas. Toi, crève-cœur ? Allons donc, cœur-de-veau ! »