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Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/91

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Un mot du juge revint presque aussitôt avec la réponse : Inconnu. L’homme eut un geste d’étonnement et murmura : « Je ne sais plus. »

On avait retrouvé chez lui, dans une chambre d’hôtel, rue Saint-Jacques, des liasses d’actes et de copies. Lorsqu’elles lui furent présentées, il dit qu’il ne les connaissait pas. Le juge, pensant que ces liasses étaient une preuve intentionnelle, parut surpris. Poussant l’interrogatoire, il se heurta à d’inexplicables contradictions. L’homme avait l’extérieur juridique et ne connaissait rien de la langue de la loi. Il ne savait de l’avoué où il se disait employé que le nom et l’adresse. Mais il persistait dans ses affirmations.

Les bijoux venaient, disait-il, d’une succession, et lui avaient été confiés pour les vendre et réaliser une somme d’argent. Il répondit à la question traditionnelle de l’emploi de son temps, la nuit du crime : « J’ai dormi dans mon lit, monsieur. » Quand le logeur, appelé, affirma que l’homme n’était pas rentré cette nuit-là ; qu’il n’était arrivé que le matin, la face pâle, l’air harassé, l’accusé le regarda avec surprise, et dit : « Mais non, mais non, voyons, je le sais bien, j’étais dans mon lit. » Le juge, interloqué, fit venir trois brocanteurs, qui reconnurent l’homme. Il ne fit aucune difficulté pour admettre qu’il leur avait vendu des bijoux. « Voyons, puisque je vous dis, monsieur, expliqua-t-il au juge, que tout ça m’avait été confié par une personne, rapport que je suis chez un avoué, pour vendre et puis placer chez le