Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/122

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espaces naturels d’où surgissaient, tout frissonnants, les jeunes pins et les chênes puérils ; des lits d’aiguilles rousses où les fourches moussues des vieux arbres semblaient plonger à mi-jambes ; des berceaux d’écureuils et des nids de vipères ; mille tressaillements d’insectes et flûtements d’oiseaux. Dans la chaleur, elle bruissait comme une puissante fourmilière ; et elle retenait, après la pluie, une pluie à elle, lente, morne, entêtée, qui tombait de ses cimes et noyait ses feuilles mortes. Elle avait sa respiration et son sommeil ; parfois, elle ronflait ; parfois, elle se taisait, toute muette, toute coite, toute épieuse, sans un frôlis de serpent, sans un trille de fauvette. Qu’attendait-elle ? Nul ne savait. Elle avait sa volonté et ses goûts : car elle lançait tout droit des lignes de bouleaux, qui filaient comme des traits ; puis elle avait peur, et s’arrêtait dans un coin pour frémir sous un bouquet de trembles ; elle avançait aussi un pied sur la lisière, jusque dans la plaine, mais n’y restait guère, et s’enfuyait de nouveau parmi l’horreur froide de ses plus hautes et profondes futaies, jusque dans son centre nocturne. Elle tolérait la vie