Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/275

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Monelle couraient dans le linge, comme s’ils trottaient sur une route de toile blanche et les épingles piquées sur ses genoux marquaient les relais. La main droite était ramassée comme un petit chariot de chair, et elle avançait, laissant derrière elle un sillon ourlé ; et crissant, crissant, l’aiguille dardait sa langue d’acier, plongeait et émergeait, tirant le long fil par son œil d’or. Et la main gauche était bonne à voir, parce qu’elle caressait doucement la toile neuve, et la soulageait de tous ses plis, comme si elle avait bordé en silence les draps frais d’un malade.

Ainsi l’enfant regardait Monelle et se réjouissait sans parler, car son travail semblait un jeu, et elle lui disait des choses simples qui n’avaient point beaucoup de sens. Elle riait au soleil, elle riait à la pluie, elle riait à la neige. Elle aimait être chauffée, mouillée, gelée. Si elle avait de l’argent, elle riait, pensant qu’elle irait danser avec une robe nouvelle. Si elle était misérable, elle riait, pensant qu’elle mangerait des haricots, une grosse provision pour une semaine. Et elle songeait, ayant des sous, à d’autres