Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/91

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de mon balbutiement imparfait. Seigneur, je suis très vieux, et me voici vêtu de blanc devant toi, et mon nom est Innocent, et tu sais que je ne sais rien. Pardonne-moi ma papauté, car elle a été instituée, et je la subis. Ce n’est pas moi qui ai ordonné les honneurs. J’aime mieux voir ton soleil par cette vitre ronde que dans les reflets magnifiques de mes verrières. Laisse-moi gémir comme un autre vieillard et tourner vers toi ce visage pâle et ridé que je soulève à grand’peine hors des flots de la nuit éternelle. Les anneaux glissent le long de mes doigts amaigris, comme les derniers jours de ma vie s’échappent.

Mon Dieu ! je suis ton vicaire ici, et je tends vers toi ma main creuse, pleine du vin pur de ta foi. Il y a de grands crimes. Il y a de très grands crimes. Nous pouvons leur donner l’absolution. Il y a de grandes hérésies. Il y a de très grandes hérésies. Nous devons les punir impitoyablement. À cette heure où je m’agenouille, blanc, dans cette cellule blanche dédorée, je souffre d’une forte angoisse, Seigneur, ne sachant point si les crimes et les hérésies sont du pompeux domaine de ma papauté ou du petit cercle de jour dans lequel un