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Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/104

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occasion, et de vous rendre bien stupide aux yeux de tous. Quoique votre rôle soit d’être immédiatement supérieur au public, il ne faut pas, si vous voulez lui plaire, le lui faire sentir. Vous n’aurez jamais plus de succès que lorsque le dernier de vos lecteurs croira être plus savant ou plus spirituel que vous. Chaque homme aime à se persuader qu’il a plus d’intelligence et d’esprit que les autres. Votre office est de l’y aider. Vous devez le fournir de bons mots, sans en avoir l’air, comme les sots de cour en fournissaient leurs rois.

Supposons que vous désiriez enjoliver votre phrase du souvenir d’un vers de M. Jose-Maria de Heredia. Choisissez donc son sonnet le plus célèbres, les Conquistadors ; c’est le plus familier à vos lecteurs. L’auteur des Trophées, qui est poète, n’a point à observer la même discrétion que vous, et il ne craint pas d’écrire :

Et les vents alizés inclinaient leurs antennes…


laissant entendre par ce qui précède que les antennes sont partie du gréement du navire.

Mais le public qui vous lit ne connaît probablement d’un bateau que les mâts et les voiles ; de même