Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/191

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session. Voilà pourtant où il faut se résoudre. « C’est détestable pour les yeux », disent les bonnes gens. Ce sont de bonnes gens qui n’aiment point lire. Seulement l’âge diminue le plaisir de l’acte défendu où on ne sera pas surpris et de la sécurité où toutes les audaces de la fantaisie peuvent danser à l’aise. Restent la solitude douillette et tiède, le silence de la nuit, la dorure voilée que donne aux idées et aux meubles la lampe et l’approche du sommeil, la joie sûre d’avoir à soi, près de son cœur, le livre qu’on aime. Quant à ceux qui lisent au lit « contre l’insomnie » ils me font l’effet « de pleutres admis à la table des dieux et qui demanderaient à prendre le nectar en pilules ». Vous verrez qu’il ne parlera pas du journal. Ailleurs il vous dira le plaisir de « lire en chemin de fer, sous le demi-globe de la lampe, avec le tac-tac, tan-tan du train, et les couples de lumières jaunes et d’ombre par les vitres des portières, jusqu’à la lueur rose et grise du matin » ; de la joie « de se cloîtrer et de se calfeutrer contre le dehors : car nous voulons être en sécurité, et pouvoir serrer contre nous toutes nos pensées ». Du journal il ne soufflera mot. Mais il vous expliquera que « certains