Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/137

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son père ; il lui semblait que la mer plutôt dessècherait avant qu’il mourût. Il se sentait si dénué qu’il y eut des moments où il crut qu’il aimerait être souillard de cuisine. « C’est une chose, se dit-il, à laquelle on pourrait bien aspirer. »

À d’autres moments, il eut la folie de l’orgueil : « Si j’étais le feu, pensa-t-il, je brûlerais le monde ; si j’étais le vent, j’y soufflerais l’ouragan ; si j’étais l’eau, je le noierais dans le déluge ; si j’étais Dieu, je l’enfoncerais parmi l’espace ; si j’étais pape, il n’y aurait plus de paix sous le soleil ; si j’étais l’Empereur, je couperais des têtes à la ronde ; si j’étais la Mort, j’irais trouver mon père… si j’étais Cecco… voilà tout mon espoir… » Mais il était frate Arrigo. Puis il revint à sa haine. Il se procura une copie des chansons pour Béatrice et les compara patiemment aux vers qu’il avait écrits pour Becchina. Un moine errant lui apprit que Dante par-